Dans un livre, le lecteur va peut-être prendre le temps de se mettre à la place de l'autre. ( N° 1706 )
Cette phrase émane d'une femme écrivain qui sort un livre: " Une fille dans la jungle ". Cette fille c'est Hawa, une jeune Ethiopienne que la critique qualifie de " lumineuse ". La femme écrivain est Delphine Coulin et voici encore de ses paroles:
" On ne sait rien de ce qu’une fille de 15 ans ressent sur un rafiot au milieu de la Méditerranée, tant qu’on ne s’est pas mis à sa place. Imaginez une ado d’ici qui ferait le chemin inverse, traversant dix pays dont elle ne connaît pas la langue, croisant toutes sortes de prédateurs et des morts sur les routes ! L’empathie, c’est quelque chose dont on a bien besoin en ce moment. Je ne suis pas une écrivaine militante, je n’ai pas de leçon à donner, je voulais simplement mettre des visages derrière les statistiques. "
Je lui laisse encore la parole:
« J’avais cette histoire en tête avec six itinéraires d’enfants migrants qui se croisaient à Lampedusa ou à Kos. Mais je suis allée à CALAIS et quand le démantèlement de la jungle a eu lieu, ç’a été une évidence : ce dont j’avais besoin, c’était un non-lieu où le monde entier se retrouve. J’aurais même pu enlever les références géographiques. Une fois le bidonville démoli, il ne reste qu’une station-service (où les enfants espèrent monter à bord d’un camion), un château d’eau (où ils tentent de se laver) et un trou (où ils s’abritent) : un paysage désertique, avec six petites silhouettes pour arriver à l’os, à ce qui fait le plus petit dénominateur commun entre humains et où tout le monde peut s’identifier. J’écris au plus près de mes personnages quand je raconte les longues marches, la faim, les passeurs mafieux, les policiers qui gazent… "
Le personnage principal Hawa, ado qui fuit l'Ethiopie où on veut la marier à un vieillard, et les cinq autres enfants qui l'accompagnent sont un symbole : ils vont disparaitre . Ils étaient pourtant bien décidés à ne pas se quitter, à se tenir chaud, à se réconforter, à fuir ensemble vers l'Angleterre.
Difficile de s'attaquer à un tel sujet d'actualité, mais le livre sonne comme un documentaire sans misérabilisme. Laurence Caracalla, critique de revue, résume ainsi:
" On suit la gorge serrée ces fugitifs, dans leur course frénétique vers la liberté. Parfois adultes responsables, parfois simples adolescents tentant de redevenir ce qu'ils n'auraient jamais dû cesser d'être, rêveurs, timides et amoureux. "