N° 2191 ) Philippe TESSON rendit un bel hommage à une région des Hauts de France.
Philippe Tesson fut un journaliste de presse écrite, chroniqueur de radio et de télévision, et critique littéraire, né le 1er mars 1928 à WASSIGNY, dans l’AISNE.
Il vient de nous quitter le 1er février 2023.
Peu de gens savent qu’il était picard. Il gardait un souvenir ému de cette région, de ce pays plutôt, pour qui il a toujours préservé une place privilégiée tout au fond de son cœur.
Interviewé par Philippe Lacoche, le voici qui s'épanchait:
"La maison où je suis né se trouve à 500 mètres du NORD, c’est-à-dire du CAMBRESIS. C’est un secteur qui se trouve dans une corne ; ça m’a toujours troublé.
Administrativement, WASSIGNY est en PICARDIE, encore que... si l’on remonte au Moyen Âge, c’est encore plus compliqué. C’est une marche ; c’est une corne.
Dans les paysages de WASSIGNY, il n’y a pas de caractéristiques géographiques précises de la THIERACHE. Ce n’est pas exactement la THIERACHE. Le paysage est déjà indéterminé ; c’est comme un no man’s land. Ça fait penser à une frontière.
Sur le plan économique, les villageois regardent plus du côté du CATEAU-CAMBRESIS que vers GUISE; pourtant, c’est à équidistance."
"Sur le plan biographique, mon enfance a été partagée entre deux orientations.
Certes, c’est un détail, mais il est important parce qu’il peut faire douter de mon appartenance et de ma culture. Suis-je picard ? Suis-je cambrésien ?
Mais, je me sens autant ceci que cela. Je parlerai donc de la THIERACHE au titre de cette double appartenance. J’ai beaucoup la nostalgie de la THIERACHE. J’y ai passé toute mon enfance, à l’exception d’une année, juste avant la guerre, où j’ai été pensionnaire à Paris. Là j’ai du reste beaucoup souffert ; j’avais 10 ans."
"La guerre a éclaté. On m’a rapatrié.
C’est à cette époque que je suis allé au collège du CATEAU-CAMBRESIS. J’y allais tous les jours à bicyclette. Ce sont des souvenirs à la fois merveilleux et tragiques. Cela m’a constitué. Pour moi la guerre est inséparable de mon souvenir et de mon image provinciale. C’est là que j’ai passé quatre années de ma vie avec quelqu’un qui est devenu mon ami intime : Pierre Mauroy. Nous avons vécu une amitié fraternelle.
J’aimais beaucoup ce garçon ; nous étions pourtant différents à beaucoup d’égards. Il était aussi sérieux, serein, calme, que j’étais déjà très agité et un peu léger. Je garde un très beau souvenir de cette amitié ; nous étions quasiment du même village. Il était cambrésien, alors que j’étais à moitié picard."
"WASSIGNY : on peut difficilement concevoir un village plus ingrat. Vous ne trouvez pas ?"
L'enfance de Philippe TESSON fut marquée par l’occupation, son père Albert Tesson, huissier, ayant été arrêté. Dans un village de l’AISNE qui, comme tant d’autres, a été meurtri par les guerres, les invasions.
"Un charnier ! Bien sûr, cela est très fort dans mon souvenir. Indépendamment de cela, la nature n’a pas favorisé ce village."
"A WASSIGNY il n’y a pas la grâce bocagère de la THIERACHE. On est déjà un peu dans la plaine, bien qu’il y ait une forêt qui est également très présente dans mes souvenirs. C’est un village que j’adore, mais que je trouve physiquement un peu ingrat. J’y ai des racines ; c’est pour moi très important. J’aime beaucoup la notion des nécessités des racines. J’y ai des souvenirs de bonheur.
Le bonheur, la famille, la terre, surtout quand je retourne en THIERACHE ; je me retrouve dans la terre bocagère et forestière. NOUVION, La CAPELLE, AVESNES... J’aime beaucoup cette région. On s’y embourbe ; il y fait sombre. J’adore ! Le paysage est plus picard que cambrésien ; il est picard dans ce que la PICARDIE contient comme notion bocagère. On appelle la THIERACHE la petite Suisse."
"J’ai eu une enfance très heureuse. Mon père était originaire du village de WASSIGNY. Dans les villages voisins, il y a encore des familles qui portent mon nom TESSON. Et je continue à les voir. À OISY, GUISE, ÉTREUX, etc. Ce sont tous des agriculteurs.
Une autre partie de ma famille est dans le NORD, puisque ma mère est originaire de MARETZ. Donc mon bonheur est familial, valeur qui m’est très chère et que j’ai reproduite dans ma vie ."